Jurisprudence
La jurisprudence est l’ensemble des décisions de justice (Conseil d’État, cours administratives d’appel, cour de Cassation…) qui ont pour effet d’interpréter les textes de loi ou de préciser leur application.
Avant d’engager une action devant une juridiction, connaître la jurisprudence est indispensable afin de mesurer les chances de succès de votre action, au regard de situations similaires pour lesquelles les juges se sont déjà exprimés.
La présente rubrique vous expose des jugements récents, dans divers domaines, afin d’évaluer au mieux votre situation personnelle
Recours rejeté contre une sanction disciplinaire de résiliation de contrat.
Le 17 décembre 2020 vers 01h00 du matin, le caporal D., en état d’ivresse, a réveillé plusieurs légionnaires, leur a demandé de se vêtir de leur tenue de combat puis de leur tenue de sortie, puis les a fait sortir à l’extérieur de la compagnie. L’intéressé s’est alors emporté contre un légionnaire puis a frappé ce dernier qui s’est défendu. Un tel comportement est constitutif d’une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire.
Malgré des notations favorables qui mettent en avant la motivation de l’intéressé, son dynamisme, son intégration au sein de sa section et ses aptitudes au commandement, le conseil d’enquête sollicité a recommandé une sanction de réduction de grade.
En dépit de remarques très élogieuses faites postérieurement aux faits par son commandant d’unité (année exceptionnelle, motivé, polyvalent, etc) les juges estiment que « compte tenu de la nature et de la particulière gravité des faits commis par l’intéressé alors qu’il occupait une position hiérarchiquement supérieure par rapport aux autres légionnaires et alors qu’il s’agissait d’une récidive en matière de consommation d’alcool avec dérive comportementale [sanction en 2017 pour des faits similaires], l’autorité investie du pouvoir disciplinaire n’a pas pris une sanction disproportionnée en infligeant la sanction […] de résiliation de son contrat d’engagement. »
Recours contre une notation sous-officier (QSR B) rejeté.
Un militaire de l’armée de Terre, entré en service en 1985, est promu au grade d’adjudant-chef le 1er janvier 2011. En mai 2020, il s’est vu notifier sa notation définitive 2019 (QSR B) se rapportant à la période du 1er juin 2018 au 31 mai 2019. Le recours préalable obligatoire qu’il a formé à l’encontre de cette décision devant la Commission des recours des militaires a été rejeté par une décision de la ministre des armées du 12 octobre 2020. Ce sous-officier demande l’annulation de cette décision.
Le magistrat rejette sa demande en estimant qu’« il ressort […] notamment d’un avis du chef d’état-major de l’armée de terre émis le 19 août 2020 qu’au cours de la période de notation litigieuse, Mme D. a, lors d’une réunion de la commission de notation des sous-officiers refusé, à l’évocation de son dossier, de quitter la salle sur l’invitation de sa hiérarchie. Il ressort également de cette même pièce qu’au cours de la même période, Mme D. a giflé un autre sous-officier ». De plus, l’argumentaire de ce militaire « ne remet pas sérieusement en cause la matérialité des manquements constatés qui ont motivé la régression de sa notation ».
Ce jugement favorable confirme l’importance accordée par le juge administratif à l’avis du chef d’état-major de l’armée de Terre.
Recours contre une notation officier en PPE (QSR B) rejeté.
Un officier supérieur en poste à l’étranger, au sein de l’état-major de l’OTAN, conteste sa notation (niveau « B-très bon ») au motif qu’elle ne tient pas compte de la complexité réelle de sa mission (en lien avec la préparation d’exercices avec les forces alliées) et de son manque de formation militaire dans les domaines mis en œuvre. De plus, il estime que c’est le fait de prendre ce poste sans passation de consignes avec son prédécesseur qui ne lui a pas permis d’exceller, ce qui ne peut lui être reproché dans sa notation. Enfin, il développe les excellentes appréciations de son notateur afin d’invoquer une erreur manifeste d’évaluation.
Le Tribunal administratif de Paris, le 31 mai 2023, estime que « contrairement à ce que soutient M.P, ces excellentes appréciations, ni la circonstance que […] il a pris ses fonctions alors que son poste, qui présentait une complexité particulière, était réorienté vers une mission à laquelle il avait été peu formé, qu’il n’a pu bénéficier de l’expérience de son prédécesseur et d’une formation spécialisée OTAN, et qu’il est titulaire du Brevet technique d’études militaires générales depuis décembre 2020 ne permettent de démontrer que la notation contestée serait entachée d’erreur manifeste d’appréciation. »
La requête est rejetée.
Sanction de 30 jours d’arrêts validée pour un sous-officier du grade de major ayant adopté un comportement inapproprié et tenu des propos dé
Un major, en situation de responsabilité et chargé des ressources humaines, agit de façon répétée envers un personnel civil et deux militaires de façon inappropriée et déplacée. Après la conduite de deux enquêtes de commandement successives, une sanction de 30 jours d’arrêts est prononcée.
Représenté par le cabinet parisien MDMH, ce militaire porte son affaire en justice.
Le tribunal administratif de Strasbourg valide la sanction de 30 jours d’arrêts, estimant que « les faits matériellement établis révèlent de graves manquements de M. V. dans son rôle d’encadrant et dans ses fonctions de chargé des ressources humaines […]. Eu égard aux responsabilités du requérant, et alors même que par ailleurs sa manière de servir donnait pleine satisfaction, l’autorité investie du pouvoir disciplinaire n’a pas […] pris une sanction disproportionnée en lui infligeant la sanction de trente jours d’arrêts […] ».
Sanction de 40 jours d’arrêts validée contre un caporal-chef pour brimades et violences.
Un caporal-chef d’encadrement, chef de groupe d’une formation générale initiale, use de brimades et de violences contre un jeune engagé volontaire qui porte plainte. Une sanction de 40 jours d’arrêts est décidée.
Défendu par le cabinet parisien MDMH, ce militaire porte son affaire en justice.
Le tribunal administratif de Strasbourg a tranché en validant la sanction de 40 jours d’arrêts, estimant que « l’existence de faits de violence, mis en évidence par l’enquête de commandement […] et commis par des gradés d’encadrement à l’égard de plusieurs jeunes recrues, sous la responsabilité de M. D., chef de groupe ». « Ces faits révèlent de graves manquements de M. D. dans son rôle de chef de groupe, une attitude partiale et discriminante à l’égard de certains engagés et l’usage injustifié de la violence, verbale et physique, à leur encontre ».
L’intéressé invoquait des faits de syndromes post-traumatiques afin d’expliquer son comportement envers les jeunes recrues. Les juges ont estimé que cette justification n’était pas valide, en dépit de l’excellente manière de servir de ce militaire et des certificats médicaux présentés.
Refus de vaccination Covid 19 par un sous-officier
« Sous-officier de l’armée de terre, l’ADJ H. était affecté depuis le 1er août 2020 à l’état-major interarmées aux Antilles. Disposant d’un schéma vaccinal incomplet contre le virus de la covid 19, il a refusé la vaccination. Le 21 octobre 2021 une sanction de quinze jours d’arrêts lui est infligée.
Dans son jugement favorable au ministère des armées, le magistrat retient que :
- « la vaccination contre la covid-19 est obligatoire pour tout militaire : […] servant ou projeté pour raison de service hors du territoire métropolitain, quelles que soient la durée ou la nature de la mission ; […] » (instruction du 29 juillet 2021 relative à la vaccination contre la covid-19 dans les armées) ;
- « tout geste vaccinal doit être précédé d’une information des personnels sur la nature des vaccins qui leur sont prescrits et sur les éventuels effets indésirables attendus » conformément à l’instruction du 18 février 2005 relative à la pratique des vaccinations dans les armées. En l’espèce L’ADJ H. a eu des échanges individuels avec le médecin militaire et a donc été à même de solliciter les informations qu’il évoque ;
- les agents publics étant placés vis-à-vis de leur administration dans une situation légale et réglementaire, les modifications apportées aux règles [concernant la vaccination] qui régissent leur emploi leur sont, en principe, et sauf dispositions contraires, immédiatement applicables ;
- la simple mention selon laquelle l’intéressé est « inapte pour refus de mise à jour de vaccination » ne méconnait pas le secret médical puisque rien n’est révélé sur l’état de santé ;
- l’ADJ H. n’a aucun antécédent disciplinaire et présente une bonne façon de servir. Toutefois, son refus, qui a contraint le service à devoir modifier son organisation, pouvait légalement être sanctionné par une sanction disciplinaire de 15 JA. »
L’exercice d’une activité opérationnelle durant un arrêt maladie est une faute disciplinaire du niveau du blâme du ministre
« L’ADC C. est en congé de maladie ordinaire depuis le 9 janvier 2017. Il est placé en congé de longue durée pour maladie à partir du 3 juillet 2017, en raison d’un état dépressif, pour une première période de six mois, ultérieurement renouvelée à plusieurs reprises.
Alors qu’il était en congé de maladie, l’intéressé avait été vu exerçant des activités opérationnelles en tant que sapeur-pompier volontaire entre le 22 janvier 2017 et le 30 avril 2017. Par une décision du 13 février 2018, prise après avis du conseil d’enquête du 26 janvier 2018, la ministre des armées a décidé de radier l’ADC C. des cadres pour motif disciplinaire. Cette sanction a été annulée par le jugement n° 1803672 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 4 juin 2019. Le 17 décembre 2019, la ministre des armées a alors prononcé une nouvelle sanction à l’encontre de ADC C., du niveau du blâme.
Le juge administratif retient :
« La circonstance qu'un fonctionnaire se trouve placé en congé de maladie de longue durée au moment où une action disciplinaire est engagée à son encontre ne le soustrait pas aux obligations incombant à tout fonctionnaire en activité ni ne fait obstacle à la poursuite de la procédure dont il est l'objet ».
« Bien que M. C. s’en défende, l’exercice d’une activité opérationnelle de sapeur-pompier volontaire au sein du SDIS, fût-elle ponctuelle, alors qu’il était en arrêt de maladie et indisponible au service, est constitutif d’un manquement à ses obligations professionnelles et, subséquemment, d’une faute ».
Tribunal administratif de Cergy-Pontoise - 3e Chambre - 22 décembre 2022 - n° 2002782 ».
L’état militaire exige discipline et loyauté ainsi qu’un devoir d’exemplarité
Devant le tribunal administratif de Paris, recours contre des sanctions de 20JA + 10JA + mutation pour raison de service au profit d’un SGT de la BSPP, représenté par le cabinet d’avocats MDMH.
Le 7 octobre 2020, le SGT M. fait modifier les résultats d’un test du code de la route au profit d’un candidat afin de lui valider l’examen. En dépit du constat de la faute, l’intéressé nie dans un premier temps puis finit par reconnaître les faits. Le bulletin de sanction de 20 JA est établi le 23 novembre 2020 et les jours d’arrêts effectués du 3 au 22 décembre 2020. Le même jour, le SGT M. est sanctionné de 10 jours d’arrêts pour comportement déplacé envers un supérieur, menaces et usage de véhicule de service à des fins personnelles. Il est muté pour raisons de service.
Le juge retient « les faits apparaissent comme établis et constituent, dès lors notamment que l’état militaire exige discipline et loyauté ainsi qu’un devoir d’exemplarité, une faute de nature à justifier une sanction ».
De même « la seule utilisation à son profit personnel d’un véhicule du service pour réaliser des travaux dans son appartement privé, reconnue par le requérant dans ses écritures, constitue une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire ».
Enfin le juge estime que la mutation dans l’intérêt du service ne s’apparente pas à une sanction disciplinaire déguisée dès lors que le CRH atteste que cette mutation est réalisée aussi dans l’intérêt du demandeur, rappelant à bon droit que « Les militaires peuvent être appelés à servir en tout temps et en tout lieu. / Dans toute la mesure compatible avec le bon fonctionnement du service, les mutations tiennent compte de la situation de famille des militaires […] ».
Ce jugement confirme, heureusement, les obligations inhérentes au métier des armes.
Notations 2017, 2018, 2019 et 2020, d’un sous-officier servant dans l’ALAT
Devant le Tribunal administratif de Versailles,4 requêtes simultanées portant sur les notations 2017, 2018, 2019 et 2020, d’un sous-officier servant dans l’ALAT qui a été intégralement débouté de ses demandes.
En substance, le juge retient que le contingentement de la QSR et des RAC, induisant une comparaison des militaires entre eux, est légale au motif qu’elle « ne méconnaît pas les principes fondamentaux de la notation ».
De même, le rôle de la commission de notation est confirmé en ce qu’elle « a notamment pour objet d’apporter aux notateurs des éléments complémentaires d’appréciation, et de garantir la cohérence de la notation. Il ne ressort d’aucune pièce du dossier que le fonctionnement de cette commission […] ne permettrait pas de garantir l’impartialité et l’objectivité des appréciations portées sur la manière de servir des militaires ». De plus, « aucune disposition n’impose la communication, au militaire noté, du procès-verbal de la commission de notation » dont l’avis consultatif est rappelé.
Enfin, les juges rappellent que « d’excellentes attributions ne justifient pas systématiquement l’attribution d’une note d’un niveau supérieur ou maximale, la notation du militaire prenant en effet en compte […] sa manière de servir au regard de l’ensemble des militaires placés dans la même situation et relevant du même niveau hiérarchique ».
Le militaire en situation d’absence se doit de communiquer à son administration le ou les certificats médicaux le plaçant en arrêt de travai
Un soldat a été placé en situation d’absence irrégulière, le 20 janvier 2021, faute de s’être présenté à la visite médicale fixée au 19 janvier 2021 et à laquelle il avait été régulièrement convoqué. Il a été déclaré en situation de désertion le 26 janvier 2021 et, par un courrier du 29 janvier 2021, il lui a été indiqué qu’il lui était encore possible de régulariser sa situation en se présentant dans les plus brefs délais à son régiment et, au plus tard, le 22 février 2021.
La convocation, envoyée sous pli recommandé, est revenue avec la mention « pli avisé et non réclamé ». Ce courrier a été reconnu comme respectant les prescriptions réglementaires et valant mise en demeure régulière. Le militaire ne prouve pas qu’il avait valablement justifié ses absences pour motif médical.
La cour rappelle qu’il « appartient à un militaire en situation d’absence de communiquer à son administration le ou les certificats médicaux le plaçant en arrêt de travail. Pour éviter d’être en
situation de désertion, le militaire doit procéder à cette communication avant la date limite fixée par la mise en demeure de reprendre son service que l’administration lui a adressée ».
Sources :
Sanction de 10 jours d’arrêt pour un sous-officier qui désobéi à un ordre en OPEX.
En mai 2016, un adjudant-chef de l’armée de Terre est sanctionné de 10 JA en OPEX pour avoir désobéi aux ordres clairs de son chef direct. Ainsi, ce sous-officier, en marge d’une opération militaire d’influence à Gao, reconnaît avoir décidé de prendre son repas en ville, dans un restaurant civil, avec son équipe, contrairement aux ordres clairs donnés. Cet ordre avait été pris afin de respecter les contraintes sécuritaires applicables sur ce théâtre et garantir la sécurité des militaires engagés.
Ce sous-officier, en janvier 2017, conteste, dans le cadre d’un recours hiérarchique, sa sanction devant la ministre des Armées qui décide de la maintenir. Le requérant élève le litige devant le tribunal administratif de Paris qui rectifie une erreur d’écriture de date et déclare comme suffisamment motivée la décision de la ministre des Armées, en octobre 2020. Le requérant se pourvoi alors en appel. La cours d’Appel confirme l’analyse des juges du fond, estimant que la sanction de 10 JA infligée est justifiée, que la faute est matérialisée et qu’aucun détournement de pouvoir n’est effectif.
Par ailleurs, ce militaire a bénéficié, en janvier 2021, de l’effacement quadriennal de cette sanction qui est donc, au moment où les juges d’appel se prononcent, réputée ne plus exister. Toutefois, et de façon originale, les juges en dépit d’un défaut d’intérêt à agir décident d’analyser, en dépit de son effacement, la sanction sur le fond, ne tenant pas compte de l’effacement intervenu durant la procédure.
Il apparaît donc qu’une sanction, même effacée par le biais de la mesure prévue à l’article R. 4137-23 du code de la défense, peut être soumise à l’analyse, sur le fond, du juge administratif.
Cour administrative d'appel de Paris - 9ème chambre du 28 janvier 2022 / n° 20PA03923
Port de médailles sans autorisation par un sous-officier.
Rappelé à l’ordre par sa hiérarchie sur le port illégal de décorations, ce sous-officier avait fait le choix de ne pas tenir compte des remarques de son commandement et avait finalement été sanctionné de 20 JA.
Décidant de contester cette sanction pour des motifs de forme, sans contester le fond, ce sous-officier s’attachait les service d’un cabinet d’avocat parisien se présentant comme expert du droit des militaires. Le 31 décembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble concluait à la violation des droits à la défense de ce sous-officier au motif, notamment, qu’il n’avait pas été prévenu qu’une enquête interne avait été diligentée.
En appel, la ministre des armées objectait du respect strict des droits de la défense.
Le 25 février 2021, la 7e chambre de la cour administrative d’appel de Lyon fait droit à la demande du MINARM et conclut donc à la responsabilité pleine et entière de ce sous-officier, confirmant la sanction de 20 jours d’arrêts infligée.
Résiliation de contrat suite à des jours d'arrêt
Le 12 juin 2018 , le tribunal administratif de Nîmes fait droit au recours exercé par un militaire du rang contre une sanction disciplinaire de résiliation de contrat. Le jugement du tribunal administratif de Nîmes a annulé la sanction et enjoint au ministre des armées de procéder à la reconstitution des droits sociaux de l’intéressé, pendant la durée d’éviction du service, et a condamné l’Etat à lui verser la somme de 19 724,05 euros en réparation de ses préjudices.
L’armée de Terre a fait appel de la décision. La cour administrative d’appel de Marseille a estimé : « Toutefois, compte tenu de la gravité de la faute, susceptible de comporter un risque majeur pour les populations que M. B. avait pour mission de protéger, et surtout de la circonstance qu’il avait déjà été sanctionné, avant cet épisode, à trois reprises pour des motifs similaires et avait effectué en conséquence plus de 80 jours d’arrêt cumulés, la sanction de résiliation du contrat d’engagement n’apparait pas comme disproportionnée ».
Militaires emportés par une avalanche et proportionnalité de la sanction infligée au sous-officier responsable
Outre les secouristes de la Gendarmerie nationale, les membres des unités militaires en entraînement payent de temps à autre un lourd tribut à la montagne, en raison notamment des risques d'avalanche encourus. En septembre 1996, quatre chasseurs alpins du 13e BCA avaient ainsi trouvé la mort en Haute-Maurienne (à la Petite Ciamarella). En janvier 2016, ce sont six légionnaires du 2e REG qui sont décédés en ski de randonnée non loin de là, au col du petit Argentier (près de la station de Valfréjus), pendant un stage. Dans ces deux affaires, des gradés ont été poursuivis devant le juge pénal, avec à la clé des questions diverses (niveau de compétence par rapport aux professionnels civils, degré de risque assumé, manquements dans la préparation et la conduite des sorties, etc.). Et des condamnations ont été prononcées : amendes, mais surtout peines de prison avec sursis (six mois dans le premier dossier [Trib. corr. Chambéry, 22 nov. 1999] ; deux à trois ans dans le second [Trib. corr. Lyon, 20 déc. 2019, appel à venir]).
Les juridictions administratives ont également eu à connaître de litiges survenus dans des circonstances proches et mettant en jeu la responsabilité de l'État : ceci, en cas de fautes non détachables du service (CAA Lyon, 29 mars 2001, n° 97LY00528 : JurisData n° 2001-151672. – TA Grenoble, 20 févr. 1984, inédit. – Confirmant l'incompétence du juge pénal, au sujet d'exercices de tir qui avaient déclenché une avalanche mortelle, Cass. crim., 3 févr. 1987, n° 85-91.598 : Bull. crim. 1987, n° 57, p. 147), voire – par le passé – sans faute (v. à propos d'une avalanche dans le massif du Taillefer ayant emporté des appelés du contingent, CE, 27 juill. 1990, n° 57978 et n° 58621 s. : Rec. CE 1990).
Dans l'affaire du col du petit Argentier, le juge administratif a été saisi du volet disciplinaire. L'adjudant responsable de la course avait en effet écopé de vingt jours d'arrêts et d'une interdiction d'exercer les fonctions de chef de détachement au titre des activités montagne (C. défense, art. L. 4137-2) ; sanction attaquée (en sus du rejet d'un recours hiérarchique) devant le tribunal administratif de Nîmes avec succès. Sur appel de la ministre des armées, la CAA de Marseille – par l'arrêt présenté – annule ce jugement, en ce qu'il considérait que l'autorité disciplinaire avait statué sur le fondement de faits matériellement inexacts. Elle considère avérées les approximations reprochées au sous-officier responsable (concernant la planification, la préparation et la conduite finale de la sortie, ainsi que l'interprétation du bulletin nivologique-météorologique), bel et bien constitutives d'une faute de nature à justifier la sanction, qui n'était donc pas excessive (sur ce contrôle de proportionnalité, F. Melleray, Droit de la fonction publique, Économica, 4e éd., 2017, n° 392).
Source : Veille par Philippe Yolka professeur de droit public (université Grenoble/ Alpes, Master Droit de la montagne)
Réprimande pour un officier arrivé en retard au service
La requérante, capitaine de gendarmerie, a repris son service, après la pause déjeuner, avec trente minutes de retard à deux reprises en quelques jours, sans justification valable et sans en prévenir sa hiérarchie, alors même qu'elle dispose d'un téléphone portable de service et qu'elle avait fait l'objet de plusieurs observations écrites sur son comportement professionnel inapproprié dans les mois précédents. Dès lors, le caractère fautif de ces retards est établi. Eu égard aux responsabilités de la requérante et à la nature des manquements en cause, l'autorité disciplinaire n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, et compte tenu du pouvoir d'appréciation dont elle disposait, pris une sanction disproportionnée en lui infligeant une réprimande, relevant du premier groupe de sanctions.
Sanction de 10 jours d'arrêt contre un officier refusant d'obéir
Une capitaine de gendarmerie a refusé de se rendre à une réunion dans le bureau de son supérieur hiérarchique direct, puis a réitéré ce refus devant celui-ci. Les témoignages des deux supérieurs hiérarchiques indiquant qu'elle avait adopté une attitude irrespectueuse à leur égard et qu'elle ne les avait pas salués, contrairement à l'usage militaire, lorsqu'ils sont entrés dans son bureau pour lui intimer l'ordre de se rendre à cette réunion, doivent être regardés comme établis. Il est enfin constant que l’intéressée a quitté la réunion avant son terme et sans autorisation. Eu égard aux responsabilités qui lui ont été confiées, et à la nature des manquements en cause, la ministre des armées n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, et compte tenu du pouvoir d'appréciation dont elle disposait, pris une sanction disproportionnée en lui infligeant dix jours d'arrêts, assortis d'une dispense d'exécution, relevant du premier groupe de sanctions.
Enregistrement audio à l'insu de son supérieur hiérarchique
Monsieur X, BCH au 511e régiment de train à Auxonne, a fait l’objet le 29.09.2018, d’une sanction de 10 jours d’arrêts pour avoir enregistré les propos échangés avec son chef de peloton, à son insu, lors d’une conversation téléphonique.
Aux termes de l’article R 4135-15 du code de la défense (…). Il résulte de l’article 4137-25 du même code que les autorités militaires de premier et deuxième niveau sont compétentes pour prononcer une sanction d’arrêts de 10 jours.
En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le 10.07.2018, le commandant d’unité a demandé une sanction disciplinaire à l’égard de Monsieur X au moyen d’un bulletin de sanction, sur lequel monsieur X a reconnu avoir pu s’expliquer sur les faits qui lui étaient reprochés devant l’autorité militaire du premier niveau. Le moyen tiré du vice de procédure doit dès lors être écarté.
En deuxième lieu, monsieur X a reconnu les faits qui lui sont reprochés, mais soutient qu’ils n’ont pas le caractère fautif dès lors qu’ils ont eu lieu dans un cadre privé, la conversation téléphonique ayant été passée de chez lui, et n’ont pas été de nature à perturber le fonctionnement du service ou à jeter le discrédit sur l’administration. Toutefois, il est constant que monsieur X a enregistré une conversation avec son chef de peloton, sans l’avoir averti. Cette conversation portait sur la situation de harcèlement dont le requérant dit être victime de la part de son adjudant, et est ainsi directement en lien avec le service. Contrairement à ce qui est soutenu, de tels fais sont de nature à perturber le fonctionnement du service et portent atteinte aux relations de confiance avec la hiérarchie. Par suite, monsieur X n’est pas fondé à soutenir qu’en lui infligeant cette sanction, le commandant d’unité a entaché sa décision d’erreur d’appréciation ou de qualification juridique des faits.
Résulte de ce qui précède que la requête de monsieur X doit être rejetée.
Audience du 26 juin 2019 de la 2ème chambre du T.A. de Dion n°1803180.
Prise en compte de faits commis en dehors du service
Le Conseil d’Etat a pu estimer que des « faits commis en dehors du service » peuvent être pris en compte dans la notation dans la mesure où ils « ont eu une influence sur la manière de servir de l'intéressé ».
Sanction disciplinaire pour violences conjugales
La communication du dossier de l'instruction judiciaire pour violences conjugales aux fins d'être versée au dossier disciplinaire visant un militaire a été autorisée par le procureur de la République. Cette communication, exclusivement destinée à l'autorité investie du pouvoir disciplinaire, visait à éclairer celle-ci sur l'origine et la gravité des violences conjugales reprochées au requérant eu égard à son statut d'officier de gendarmerie et au fait qu'elles se sont produites dans une enceinte militaire. Elle n'a donc méconnu ni l'article R156 du Code de procédure pénale ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme qui garantissent à toute personne le droit au respect de la vie privée et familiale.
L'intéressé a été condamné à une peine de quatre mois d'emprisonnement avec sursis pour violences conjugales, ces violences ayant eu lieu dans un logement situé sur une enceinte militaire. Il a, en outre, été sanctionné d'un blâme, pour comportements inappropriés à l'égard de plusieurs de ses subordonnées féminines. Eu égard aux responsabilités de l'intéressé et alors même que sa manière de servir par ailleurs aurait donné pleine satisfaction, à la gravité des faits incompatible avec les exigences inhérentes au statut de militaire, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire n'a pas, dans les circonstances de l'espèce et au regard du pouvoir d'appréciation dont elle disposait, pris une sanction disciplinaire disproportionnée en lui infligeant la sanction du premier groupe du blâme du ministre.
Conseil d'Etat - Chambre 7 - 26 Avril 2018 - N° 413585 - Inédit - Rejet
Obligation de réserve du militaire
Le juge administratif précise que le fait de tenir des propos virulents à l'encontre du Gouvernement sous couvert d'anonymat n'exonère pas un militaire de toute responsabilité disciplinaire. Tenir de tels propos constitue un manquement à l'obligation de réserve ; et les réseaux sociaux permettent d'identifier l'auteur des propos, ce qui ne permet plus de protéger l'institution. L'obligation de réserve et l'obligation de neutralité s'imposent même lorsque le militaire se dissimule plus ou moins bien derrière un pseudonyme.
Monopole des poursuites du Parquet pour des faits en OPEX
Le conseil constitutionnel reconnaît la spécificité du métier des armes et le monopole des poursuites au Parquet pour les faits survenus en OPEX.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 28 juin 2019 d'une nouvelle question prioritaire de constitutionnalité portant sur la mise en mouvement de l'action publique en cas d'infraction commise par un militaire lors d'une opération extérieure.
Introduit dans le code de procédure pénale par la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale, le second alinéa de l'article 698-2 dans sa rédaction actuelle a pour objet de conférer au parquet le monopole de la mise en mouvement de l'action publique pour les infractions criminelles et délictuelles commises par les militaires français agissant dans l'accomplissement de leur mission dans le cadre d'une opération militaire se déroulant à l’étranger.
Dans l’arrêt n°12-81197 de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 10 mai 2012 relatif à l’embuscade dans la vallée d'Uzbin en Afghanistan au cours de laquelle neuf militaires trouvaient la mort, les constitutions de partie civile des familles de militaires avaient permis de mettre en mouvement l’action publique. Cette affaire a mis en évidence le risque de judiciarisation de l'action de combat et par voie de conséquence de déstabilisation du commandement et de la politique militaire de la France à l'étranger.
Deux griefs principaux étaient invoqués par un cabinet d’avocats au soutien de la QPC dont la méconnaissance du principe d'égalité devant la justice, arguant que cette disposition instituerait une distinction injustifiée entre victimes, selon que l'infraction était commise sur le territoire national ou à l'étranger et que celle-ci serait commise par un civil ou par un militaire.
Le Conseil constitutionnel a rappelé dans sa décision que « si le législateur peut prévoir des règles de procédures différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales ». Il a considéré que le monopole ainsi accordé au ministère public tient à la nécessité de « limiter le risque de poursuites pénales abusives, de nature à déstabiliser l'action militaire de la France à l’étranger ».
Décision n° 2019-803 QPC du 27 septembre 2019
Indépendance des notations annuelles entres elles
Une décision formée à « la suite du recours devant la commission des recours des militaires, s'est substituée nécessairement à la décision initiale.
Si l'exercice d'un tel recours a pour but de permettre à l'autorité administrative, dans la limite de ses compétences, de remédier aux illégalités dont pourrait être entachée la décision initiale, sans attendre l'intervention du juge, la décision prise sur le recours demeure soumise elle-même au principe de légalité. Il suit de là que M. D... ne peut invoquer utilement le moyen tiré de ce que le bulletin de notation annuelle était insuffisamment motivé dès lors que le défaut de motivation est en tout état de cause propre à la décision initiale et a nécessairement disparu avec elle ».
« En tout état de cause, l'intéressé ne peut se prévaloir de ses notations antérieures pour établir la réalité de ces incohérences dans la mesure où ces notations sont indépendantes les unes des autres. Enfin, la circonstance que cette notation aurait des effets négatifs sur le déroulement de sa carrière est sans incidence sur sa légalité ».
[…] « il ne ressort pas des pièces du dossier, contrairement à ce que soutient M. D..., que l'administration, qui s'est fondée sur sa manière de servir, aurait eu l'intention de lui infliger une sanction ou qu'elle se serait fondée sur des éléments étrangers au service et commis, de ce fait, un détournement de pouvoir ».
Cour administrative d'appel, Paris, 2e chambre, 27 Novembre 2019 – n°17PA23764
L'avancement s'analyse entre les mérites de l'agent et des autres agents candidats au même grade
« Le juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un recours tendant à l'annulation d'un arrêté portant inscription au tableau d'avancement et nomination dans un grade supérieur, ne peut se borner, dans le cadre de son contrôle restreint, à apprécier la valeur professionnelle d'un candidat écarté, et doit analyser les mérites comparés de cet agent et de ceux des autres agents candidats à ce même grade ».
« Les mérites du requérant devaient être comparés à ceux des candidats susceptibles d'être promus, la promotion au grade de commandant comme l'inscription préalable au tableau d'avancement élaboré à cette fin ne constituant pas un droit mais résultant d'une appréciation comparée des mérites et de la qualité des services des officiers des armes de l’armée de terre remplissant les conditions exigées pour l'inscription à ce tableau ». « Dans ces conditions, en n’inscrivant pas M. K au tableau d’avancement pour la promotion au grade de commandant pour l’année 2017, la ministre des armées, quelle qu'ait été la qualité des services rendus par l'intéressé, n’a pas commis d’erreur de fait ou d’erreur manifeste dans l’appréciation des mérites respectifs des candidats à l’avancement ».
Jugement du tribunal administratif de Paris n°1717929/5-3 du 4 décembre 2019
Recours de notation, du bulletin de notation annuel à la décision de la juridiction administrative.
La Cour administrative d’appel de Versailles confirme dans un arrêt du 24 novembre 2020 le bien-fondé du recours administratif préalable obligatoire exercé auprès de la commission des recours des militaires (CRM). En 2014, le militaire conteste son bulletin de notation d’officier devant la CRM qui, après avoir sollicité l’armée de Terre, rend une décision de rejet. Puis, sous l’impulsion d’un avocat, il poursuit devant le tribunal administratif de Versailles qui confirme, en 2018, la décision du ministère des armées. En dépit de cette décision, le conseil et son client poursuivent devant la Cour administrative de Versailles, qui, une nouvelle fois, rejette le 24 novembre 2020, la demande de révision de la notation. Cette longue procédure pour l’officier confirme l’analyse et le jugement de l’armée de Terre en matière de notation.
Cour administrative d'appel, Versailles, 3e chambre, 24 Novembre 2020 – n° 18VE02474
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