Le Maréchal Lannes
Né à Lectoure dans le Gers en 1769, apprenti teinturier, Jean Lannes s'engage en 1792 au 2e bataillon des volontaires du Gers.
Présentation
Auteur d’origine : Charles-Antoine Callamard (1769-1815)
Auteur des modifications : Charles-René Laitié (1782-1862)
Titre d’origine : Le Général Jean-Louis-Brigitte Espagne
Titre de l’œuvre modifiée : Le Maréchal Jean Lannes, duc de Montebello
Date d’origine : 1815
Date de modification : 1835
Matériau : Marbre
Dimensions : 442 (H)
N° d’inventaire : LP 458
Anciennes localisations
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de 1816 à 1832 : Hôtel des Invalides (dans une cour) ;
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de 1832 à 1931 : balustrade de la Cour d’Honneur du château de Versailles.
Lieu de conservation actuel : Saint-Cyr l’École, Marchfeld du Lycée militaire de Saint-Cyr
Inscriptions
- Sur le devant de la terrasse : Lannes
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En bas à droite, sous l’obusier : Callamard 1815
Historique de l’oeuvre
Commande de Napoléon Ier (décret du 1er janvier 1810), stipulant que « Les statues des généraux Saint-Hilaire, Espagne, Lasalle, Lapisse, Cervoni, Colbert, Lacour, Hervo, morts au champ d’honneur, seront placées sur le pont de la Concorde, conformément au projet qui nous sera présenté par notre ministre de l’Intérieur. » La Correspondance de Dominique Vivant Denon, directeur du musée Napoléon et en charge des commandes artistiques, fait mention de l’attribution de la commande de la statue du général Jean-Louis-Brigitte Espagne (1769-1809) à Callamard (15 mai 1810). Achevé en 1815, le marbre est remisé en 1816 dans l’une des cours de l’Hôtel des Invalides, le projet d’ornementation du pont de la Concorde repris par Louis XVIII donnant lieu à une nouvelle commande dédiée aux grands hommes de l’Ancien Régime. L’œuvre est ensuite installée derrière la balustrade de la Cour d’Honneur du château de Versailles en 1832. En 1835, le roi Louis-Philippe Ier demande à ce que le marbre soit transformé en maréchal Jean Lannes, duc de Montebello (1769-1809), figure plus « populaire » de la légende napoléonienne alors en plein essor. Ce projet s’inscrit en parallèle de la création des galeries historiques du château de Versailles.
Le comte de Montalivet, ministre de l’Intérieur également en charge des Beaux-Arts, demande au sculpteur Laitié de modifier les marbres de l’Empire : « […] De la statue de Colbert par Deseine, on ferait le duc de Trévise ; de celle de Debay père, représentant Valhubert, on ferait Jourdan ; de celle d’Espagne par Callamard on ferait Lannes, et enfin de celle d’Espercieux, représentant Roussel, on ferait Masséna. » (Robinet de Cléry, « Les statues décapitées du pont de la Concorde », extrait de la Grande Revue de Paris et de Saint-Pétersbourg, Paris, Imprimerie d’E. Arrault, s. d.). La tête d’Espagne est donc remplacée par celle de Lannes. Le scandale de la substitution soulevé par les descendants du général Espagne conduit l’État à commander une statue dédiée à Espagne en 1839, confiée à Eugène Oudiné (1810-1887). Le marbre achevé en 1842 reste entreposé au Dépôt des marbres des Beaux-Arts jusqu’en 1884, date à laquelle il est déposé à Auch et inauguré Place de la Porte-Trompette en 1890, où il est toujours visible.
Le personnage
Né à Lectoure dans le Gers en 1769, apprenti teinturier, Jean Lannes s'engage en 1792 au 2e bataillon des volontaires du Gers. Sous-lieutenant, il combat dans les Pyrénées puis en Italie en 1796-1797, époque à laquelle il fait la connaissance du futur Napoléon Ier. Lannes est de toutes les campagnes et de toutes les grandes batailles entre 1792 et 1809. L’Italie, l’Égypte, l’Autriche, l’Espagne... Celui qui porte les surnoms de « Glaive exterminateur », de « Roland de l’armée d’Italie » et d’« Ajax de la Grande Armée », nommé ambassadeur du Portugal de 1802 à 1803, maréchal de l’Empire en 1804, s’illustre sur le champ de bataille, remportant la victoire de Montebello le 9 juin 1800, ce qui lui vaut d’être nommé duc de Montebello en 1808. Réputé pour sa bravoure, Lannes récolte plusieurs blessures à Arcole, à Saint-Jean d’Acre, à Aboukir et, pour finir, à Essling le 22 mai 1809 où, le soir de la bataille, un boulet lui fracasse la rotule du genou droit. Amputé, victime de la gangrène, Lannes s’éteint à Vienne des suites de ses blessures le 31 mai 1809. Il était le seul maréchal à tutoyer l’Empereur, en souvenir de leur jeunesse et de leur amitié. Son corps est inhumé au Panthéon ; son cœur a été déposé dans la chapelle funéraire familiale, au cimetière Montmartre.
Grades et distinctions : sous-lieutenant, 20 juin 1792 ; lieutenant, 20 octobre 1793 ; capitaine, 21 octobre 1793 ; chef de brigade (colonel), 25 décembre 1793 ; général de brigade, 17 mars 1797 ; général de division, 10 mai 1799.
Chargé du commandement de Toulouse, 19 novembre 1799 ; commandant et inspecteur de la Garde des Consuls, 16 avril 1800 ; ambassadeur à Lisbonne, en 1802 ; maréchal de l’Empire, 19 mai 1804 ; commandant en chef du 4e corps de l’armée des côtes de l’Océan, 22 mars 1805 ; commandant le 5e corps de l’armée en 1805 ; commandant l’armée de réserve en 1807 ; colonel général des Suisses, 13 septembre 1807 ; commandant supérieur des 3e et 5e corps d’armée en Espagne, en 1809 ; commandant supérieur du 2e corps de la Grande Armée, en avril 1809.
Campagnes : aux armées des Pyrénées-Orientales, d’Italie et d’Orient ; sur les côtes ; à la Grande Armée.
Récompenses : sabre d’honneur décerné par le Premier Consul pour avoir contenu l’attaque autrichienne pendant 7 heures à la tête de ses hommes lors de la bataille de Marengo, le 14 juin 1800. Chef de la 9e cohorte de l’ordre de la Légion d’honneur en 1804. Colonel-général des Suisses en 1807.
Décorations
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Ordre de la Légion d’honneur : chevalier, 1803 ; grand-officier, 1804 ; grand-croix, 1805 ; commandeur de l’ordre de la Couronne de Fer, 1806.
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Ordres étrangers : grand-croix de l’ordre du Christ du Brésil, 1806 ; grand-croix de l’ordre de Saint-Henri de Saxe, 1807 ; chevalier de l’ordre de Saint-André de Russie, 1808.
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La 180e promotion de l’École Spéciale Militaire de Saint-Cyr (1993-1996) a choisi le maréchal Lannes pour parrain.
Les artistes
- Charles-Antoine Callamard (1769-1815), sculpteur néoclassique élève d’Augustin Pajou (1730-1809), grand prix de Rome en 1797 avec le bas-relief Ulysse et Néoptolème enlèvent à Philoctète l’arc et les flèches d’Hercule dans l’île de Lemnos. Il fait partie des sculpteurs sollicités pour travailler sur les reliefs de l’arc de Triomphe du Carrousel et de la Colonne de la Grande Armée (Colonne Vendôme). Auteur d’un buste en marbre du général Espagne (1810) autrefois placé dans le Salon des Maréchaux aux Tuilerie.
- Charles-René Laitié (1782-1862), sculpteur néoclassique élève de Claude Dejoux (1732-1816), grand prix de Rome en 1804 avec le bas-relief Méléagre refusant de secourir sa ville. Il expose au Salon de 1812 à 1838. Médaille de 2e classe au Salon de 1822, il est nommé restaurateur des antiques du musée royal du Louvre en 1839. Laitié a été sollicité sur les chantiers de la cour du Louvre, des églises de Saint-Étienne-du-Mont, de Saint-Merry, de Notre-Dame-de-Lorette et de Saint Gervais, du Palais de la Bourse et de l’arc de Triomphe de l’Étoile. Il a également sculpté les effigies de Jean de La Fontaine (1822-1824, Château-Thierry) et de Pierre Corneille pour l’Académie des Sciences (1837).
L'oeuvre
Lannes est représenté en pied, drapé dans son manteau qui s’ouvre sur son habit de grande tenue de maréchal de France, tenant son bâton de maréchal à la main. La posture calme et l’attitude austère sont caractéristiques des portraits officiels de l’école néoclassique, inspirés de l’art de l’Antiquité. Laitié a ajouté les broderies de feuilles de chêne sur les coutures des manches, les a élargies sur l’habit et a modifié les boutons en plaçant un sautoir de bâtons de maréchaux à la place des boutons ornés d’un trophée d’armes couronné d’un casque avec le monogramme RF porté sur le bouclier, attribué aux généraux depuis 1803. Les décorations, de gauche à droite, sont la croix d’officier de la Légion d’honneur, l’ordre de la Couronne de Fer d’Italie et la plaque de grand-croix de la Légion d’honneur.
Pour modifier la sculpture, Laitié s’est inspiré de deux portraits peints. Le premier, œuvre de Jean-Charles Nicaise Perrin (1754-1831), est le seul portrait attesté exécuté du vivant de Lannes et était à destination du Salon des Maréchaux aux Tuileries avant d’intégrer les collections du château de Versailles en 1835. Ce tableau a permis à l’artiste de sculpter la tête, qui accuse une grande ressemblance avec le tableau de Guérin, avant de la rapporter sur la statue. L’autre œuvre « modèle » est un portrait posthume de Lannes par le baron Gérard conservé au château de Maisons-Laffitte – ancienne propriété du maréchal –, dont Julie Volpelière (1790-1842) avait réalisé une copie en buste pour le musée historique de Versailles en 1834. Le portrait en pied de Guérin et la copie de Volpelière, conservée aujourd’hui au musée de l’Armée, sont les œuvres auxquelles le sculpteur a pu avoir facilement accès puisqu’il travaillait lui-même à Versailles où la statue était conservée à l’époque des modifications. La touche brossée qui esquisse l’insigne de l’ordre de la Couronne de Fer d’Italie sur le tableau de Volpelière explique la maladresse de la représentation de Laitié puisque sur la peinture, la couronne de Fer, à la base de l’insigne, ressemble à un foudre. Laitié s’est donc bien inspiré de ce portrait, quoiqu’il ne reproduise pas la plaque de grand-croix de l’ordre de Saint-André pourtant figurée sur le tableau. Lannes arbore un sabre à l’orientale dont la forme générale – bien que le pommeau soit inspiré des glaives des dignitaires – est du style « retour d’Égypte », très prisé sous l’Empire. Ce sabre était celui de la statue d’Espagne et n'a pas été modifié par Laitié.
Cette statue peut être mise en relation avec celle de Lannes érigée à Lectoure, marbre de Jean-Pierre Cortot (1787-1843) datant de 1831, dont la pose a inspiré celle du général Espagne, à Auch, les deux effigies semblant inextricablement liées, à tel point que le plâtre de la statue de Cortot a été mis en dépôt en 1918 à Saint-Cyr-L’École (AN, F/21/4872, dossier 47). Le château de Versailles conserve également un buste en plâtre du général Espagne par Callamard, daté de 1810, dont s’est inspiré Oudiné pour la statue d’Auch, en reprenant également des éléments de la statue de Callamard par souci de conformité avec l’original modifié par Laitié en 1835.
Sources et bibliographie
Archives :
- SHD, dossier de Jean Lannes, duc de Montebello, maréchal de France, 6 Yd 10.
- SHD, dossier de Jean-Louis-Brigitte comte Espagne, général de division, 7 Yd 412.
- Archives nationales, base Léonore, dossier du maréchal Lannes, LH/1472/39.
- Archives nationales, base Léonore, dossier du général comte Espagne, LH/905/45.
- Archives nationales, F/21/496/A, dossier 1, pièce 1, statue du général Espagne par Callamard.
- Archives nationales, F/21/441, dossier 6, statue du général Espagne.
- Archives nationales,F/21/4872, dossier 47, plâtre de la statue du maréchal Lannes par Cortot.
- Archives nationales, F/21/580, Décoration du pont de la Concorde, devenu pont
- Louis XVI sous la Restauration, pièces 1-105 (1810-1837) et 184-213 (1816-1834).
Bibliographie :
- BANC, Jean-Claude, Dictionnaire des maréchaux de Napoléon, Paris, Pygmalion, 2013.
- COLLECTIF, Lannes (1769-1809) maréchal de Napoléon : colloque Maisons-Laffitte, 18 mars 2017, Saint-Cloud, Soteca, 2019.
- Vivant Denon, directeur des musées sous le Consulat et l’Empire : correspondance, 1802-1815, éd. établie par Marie-Anne Dupuy, Isabelle Le Masne de Chermont et Elaine Williamson, Paris, RMN, 1999 (2 vols.).
- LALOUETTE, Jacqueline, Un peuple de statues. La célébration sculptée des grands hommes (France 1801-2018), Paris, Mare & Martin, 2018.
- LAMI, Stanislas, Dictionnaire des sculpteurs de l'école française au XIXe siècle, Paris, Librairie Ancienne Honoré Champion, 1914, tome I, p. 239-240.
- LAMI, Stanislas, Dictionnaire des sculpteurs de l’école française au XIXe siècle, Paris, Librairie Ancienne Honoré Champion, 1914, tome III, p. 233-236.
- MULLIÉ, Charles, Biographie des célébrités militaires des armées de terre et de mer de 1789 à 1850, Paris, Poignavant, 1852, tome II, p. 167-168.
- NAPOLÉON Ier, Correspondance publiée par ordre de l’Empereur Napoléon III, tome XX (1809-1810), Paris, 1858-1870.
- ROBINET DE CLÉRY, Adrien, « Les statues décapitées du pont de la Concorde », extrait de la Grande Revue de Paris et de Saint-Pétersbourg, Paris, Imprimerie d’E. Arrault, s. d.
Références Internet :
- https://anosgrandshommes.musee-orsay.fr/index.php/Detail/objects/32805
- https://anosgrandshommes.musee-orsay.fr/index.php/Detail/objects/2333
- NICOLAS Aude, « Quand l’œuvre contredit l’archive : le cas des sculptures du pont de la Concorde », Tierce : Carnets de recherches interdisciplinaires en Histoire, Histoire de l’Art et Musicologie, Criham-UR 15507 n° 2021-1, en ligne : https://tierce.edel.univ-poitiers.fr/index.php?id=528
Auteur de la notice
A. Nicolas
Fiche sur la sculpture du maréchal Lannes
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