Le Maréchal Jourdan

Né le 29 avril 1762 à Limoges, Jourdan exerce la profession de commis en soieries avant de s’engager en avril 1778 comme soldat.

Statue du maréchal Jourdan ; milieu : Vue rapprochée ; gauche : Détail de la partie supérieur © CCH A. Klopfenstein/armée de Terre/Défense

Présentation

Auteur d’origine : Jean-Joseph Espercieux (1757-1840)

Auteur des modifications : Charles-René Laitié (1782-1862)

Titre d’origine : Le Général Roussel

Titre de l’œuvre modifiée : Le Maréchal Jourdan

Date d’origine : 1815

Date de modification : 1835

Matériau : Marbre

Dimensions : 425 (H)

N° d’inventaire : LP 461

Anciennes localisations

  • de 1816 à 1832 : Hôtel des Invalides (dans une cour) ;
  • de 1832 à 1931 : balustrade de la Cour d’Honneur du château de Versailles.

Lieu de conservation : Saint-Cyr-l’École, Marchfeld du Lycée militaire de Saint-Cyr

Inscriptions

  • Sur le devant de la terrasse : Jourdan
  • En bas à droite, sous le tronc : Espercieux fecit an. 1815

Historique de l’œuvre

Commande de Napoléon Ier (décret du 1er janvier 1810), stipulant que « Les statues des généraux Saint-Hilaire, Espagne, Lasalle, Lapisse, Cervoni, Colbert, Lacour, Hervo, morts au champ d’honneur, seront placées sur le pont de la Concorde, conformément au projet qui nous sera présenté par notre ministre de l’Intérieur. » À partir de mai 1810, d’autres statues sont ajoutées à la commande initiale. La Correspondance de Dominique Vivant Denon, directeur du musée Napoléon et en charge des commandes artistiques, fait mention de l’attribution de la commande de la statue du général François-Xavier Roussel (1770-1807) à Espercieux (juillet 1810). Achevé en 1815, le marbre est remisé en 1816 dans l’une des cours de l’Hôtel des Invalides, le projet d’ornementation du pont de la Concorde repris par Louis XVIII donnant lieu à une nouvelle commande dédiée aux grands hommes de l’Ancien Régime. L’œuvre est ensuite installée derrière la balustrade de la Cour d’Honneur du château de Versailles en 1832. En 1835, le roi Louis-Philippe Ier demande à ce que le marbre de la statue de Roussel soit transformé en maréchal André Masséna, duc de Rivoli, prince d’Essling (1758-1817), dans la lignée des transformations ayant déjà frappé les autres marbres de la commande initiale (cf. les fiches correspondantes des statues de Lannes et de Masséna), avec le développement du goût pour l’histoire et l’aura de la légende napoléonienne.

Le comte de Montalivet, ministre de l’Intérieur également en charge des Beaux-Arts, demande au sculpteur Laitié de modifier les marbres de l’Empire : « […] De la statue de Colbert par Deseine, on ferait le duc de Trévise ; de celle de Debay père, représentant Valhubert, on ferait Jourdan ; de celle d’Espagne par Callamard on ferait Lannes, et enfin de celle d’Espercieux, représentant Roussel, on ferait Masséna. » (Robinet de Cléry, « Les statues décapitées du pont de la Concorde », extrait de la Grande Revue de Paris et de Saint-Pétersbourg, Paris, Imprimerie d’E. Arrault, s. d.). Mais la transformation de Roussel en maréchal Masséna n’a pas eu lieu (cf. la fiche dédiée à la statue de Masséna). En effet, la statue signée Espercieux est devenue le maréchal Jourdan à la place de la statue du général Jean-Marie-Mellon-Roger Valhubert (1764-1805), réclamée par sa ville natale, Avranches, en juillet 1832 et installée sur place en septembre 1832. La tête de Jourdan a donc remplacé celle de Roussel en 1835.

Détail de la partie droite de la statue Jourdan © CCH A. Klopfenstein/armée de Terre/Défense

Le personnage

1 : Détail de la partie supérieure 2 : Détail de la tête de Jourdan; 3 : Détail de la partie avant © CCH A. Klopfenstein/armée de Terre/Défense

Jourdan

Né le 29 avril 1762 à Limoges, Jourdan exerce la profession de commis en soieries avant de s’engager en avril 1778 comme soldat. Il sert au régiment d’Auxerrois et fait campagne en 1779 pendant la guerre d’Indépendance américaine. Réformé en 1784, il reprend du service en juillet 1789 comme capitaine dans la Garde nationale de Limoges. Nommé lieutenant-colonel au 2e bataillon de volontaires de la Haute-Vienne en 1791, il fait campagne à l’armée du Nord en 1792-1793. Général de brigade en mai 1793, divisionnaire en juillet 1793, il sert aux armées des Ardennes puis du Nord. Jourdan s’illustre plus particulièrement à la tête de l’armée de Sambre-et-Meuse en 1794 : il est l’artisan de la victoire de Fleurus pendant laquelle sont employés pour la première fois des aérostiers militaires, comme le rappelle le tableau rétrospectif de Jean-Baptiste Mauzaisse (1784-1844) peint pour la Galerie des Batailles du château de Versailles en 1837. Jourdan est également célèbre pour son rôle décisif dans l’adoption de la loi sur la conscription (loi Jourdan-Delbrel) en 1798 pendant son mandat de député de la Haute-Vienne au Conseil des Cinq-Cents de 1797 à 1799. La suite de sa carrière se déroule principalement en Italie à partir de 1800, puis au service de Joseph Bonaparte qu’il accompagne à Naples puis à Madrid : Jourdan est nommé gouverneur de Naples en 1806, puis gouverneur de Madrid en 1811. Chef d’état-major de l’armée d’Espagne en 1812, Jourdan est mis à la retraite en 1813 puis reprend du service en 1814 comme commandant supérieur des 14e et 15e divisions militaires à Rouen). Rallié à la Restauration, Jourdan est fait comte par Louis XVIII en 1816, pair de France en 1819 et gouverneur des Invalides en août 1830, à l’avènement de la Monarchie de Juillet. Il reste également célèbre pour avoir présidé le conseil de guerre s’étant déclaré incompétent à juger le maréchal Ney en 1815. Jourdan meurt le 23 novembre 1833. Il est inhumé dans le Caveau des Gouverneurs de l’Hôtel national des Invalides.

Grades et distinctions : soldat, 2 avril 1778 ; réformé en 1784 ; capitaine, juillet 1789 ; lieutenant-colonel, 9 octobre 1791 ; général de brigade, 27 mai 1793 ; général de division, 30 juillet 1793.

Commandant en chef de l’armée des Ardennes, 11 septembre 1793 ; commandant en chef de l’armée du Nord, 22 septembre 1793 ; commandant en chef de l’armée de la Moselle, 10 mars 1794 ; commandant les armées de la Moselle, des Ardennes et la droite de l’armée du Nord, 3 juin 1794 ; commandant l’armée réunie sur la Sambre, 8 juin 1794 ; commandant l’armée de Sambre-et-Meuse, 2 juillet 1794 ; député de la Haute-Vienne au Conseil des Cinq-Cents, 12 avril 1797 ; commandant en chef l’armée de Mayence, 14 octobre 1798 ; commandant en chef de l’armée d’Helvétie, 5 novembre 1798 ; commandant en chef les trois armées de Mayence (puis du Danube), d’Helvétie et d’Observation, 2 mars 1799 ; inspecteur général d’infanterie à l’armée d’Italie, 27 avril 1799 ; ambassadeur près la République Cisalpine, 24 juillet 1800 ; administrateur général du Piémont, 2 avril 1801 ; conseiller d’État, 26 janvier 1804 ; général en chef de l’armée d’Italie, 26 janvier 1804 ; maréchal de l’Empire, 19 mai 1804 ; gouverneur de Naples, 17 mars 1806 ; chef d’état-major du roi Joseph, 1806 ; chef d’état-major de l’armée d’Espagne, 17 juillet 1808 ; gouverneur de Madrid, 8 juillet 1811 ; chef d’état-major du roi Joseph et commandant en chef l’armée du Centre en Espagne, 28 octobre 1811 ; chef d’état-major général de l’armée d’Espagne, 16 mars 1812 ; mis à la retraite, 7 août 1813 ; reprend du service et nommé commandant supérieur des 14e et 15e divisions militaires à Rouen, 30 janvier 1814 ; gouverneur de la 15e division militaire, 21 juin 1814-27 septembre 1815 ; Pair de France aux Cent-Jours, 2 juin 1815 ; gouverneur de Besançon et commandant supérieur de la 6e division militaire, 4 juin 1815 ; général en chef de l’armée du Rhin, 26 juin 1815 ; gouverneur de la 7e division militaire à Grenoble, 10 janvier 1816 ; gouverneur des Invalides, le 11 août 1830.

Campagnes : en Amérique ; aux armées des Ardennes, du Nord, de Sambre-et-Meuse, d’Italie et d’Espagne.

Récompenses : Pair de France, 2 juin 1815 (nomination non reconnue par la Restauration) ; comte, 1816 ; Pair de France, 1819.

Décorations :

  • Ordre de la Légion d’honneur : chevalier, 1803 ; grand-officier, 1804 ; grand-croix, 1805 ; chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint Louis, 1814 ; commandeur de l’ordre du Saint-Esprit, 1825.

  • Ordres étrangers : commandeur de l’ordre de Saint-Hubert de Bavière ; grand dignitaire de l’ordre royal des Deux-Siciles, 1811.

La statue de Jourdan de dos © CCH A. Klopfenstein/armée de Terre/Défense

Les artistes

  • Jean-Joseph Espercieux (1757-1840), sculpteur néoclassique élève de Charles-Antoine Bridan (1730-1805). Présent au Salon dès 1793, il reçoit de nombreuses commandes officielles à partir de 1803, époque à laquelle il obtient un atelier au musée des Monuments français. Il fait partie des sculpteurs sollicités pour travailler sur les reliefs de l’arc de Triomphe du Carrousel et de la fontaine de la Paix, à Paris, pour lesquels il fournit des bas-reliefs. Espercieux est également l’auteur de la statue de Sully, installée sur le pont de la Concorde de 1817 à 1832, déposée ensuite à Rosny-sur-Seine, ville natale du duc.
  • Charles-René Laitié (1782-1862), sculpteur néoclassique élève de Claude Dejoux (1732-1816), grand prix de Rome en 1804 avec le bas-relief Méléagre refusant de secourir sa ville. Il expose au Salon de 1812 à 1838. Médaille de 2e classe au Salon de 1822, il est nommé restaurateur des antiques du musée royal du Louvre en 1839. Laitié a été sollicité sur les chantiers de la cour du Louvre, des églises de Saint-Étienne-du-Mont, de Saint-Merry, de Notre-Dame-de-Lorette et de Saint-Gervais, du Palais de la Bourse et de l’Arc de Triomphe de l’Étoile. Il a également sculpté les effigies de Jean de La Fontaine (1822-1824, Château-Thierry) et de Pierre Corneille pour l’Académie des Sciences (1837).

L’œuvre

Jourdan est représenté en pied, drapé dans son manteau et tenant son bâton de maréchal à la main. L’attitude austère et la posture quelque peu hiératique s’inscrivent dans la droite ligne des portraits officiels de l’école néoclassique. De même que pour les autres effigies des maréchaux qu’il a modifiées, Laitié a ajouté les broderies de feuilles de chêne sur les coutures des manches, les a élargies sur l’habit et a modifié les boutons en plaçant un sautoir de bâtons de maréchaux à la place des boutons ornés d’un trophée d’armes couronné d’un casque avec le monogramme RF porté sur le bouclier attribué aux généraux depuis 1803. La seule décoration visible est le cordon de grand-croix de la Légion d’honneur. Aucune estampe ne reproduit, dans l’état des connaissances actuelles, l’aspect d’origine de la statue de Roussel mais elle comportait probablement ce drapé couvrant sur le devant du corps.

Pour modifier la sculpture, Laitié, comme pour la statue de Lannes, s’est inspiré de deux portraits peints commandés pour le musée de l’Histoire de France au château de Versailles et achevés en 1834 : celui de Charles-François Phelippes (?-1867) conservé au musée de l’Armée, repris par Julie Volpelière (1790-1842) pour le portrait de Jourdan en uniforme de lieutenant-colonel du 2e bataillon de la Haute-Vienne en 1792 conservé dans la salle 1792 du château de Versailles. Ces deux portraits œuvres reprennent le grand portrait en pied de Jourdan par Joseph-Marie Vien le Jeune (1762-1848), commandé pour le Salon des Maréchaux aux Tuileries, connu par une réplique de même format d’Eugène-Louis Charpentier (1811-1890) conservée au château de Versailles.

Une statue du maréchal Jourdan, œuvre d’Élias Robert (1821-1894), a été érigée à Limoges en 1860, dans une pose dynamique présentant le maréchal à pied sur le champ de bataille, rappelant le mouvement romantique hérité des statues de Pierre-Jean David d’Angers (1788-1856) dont il était l’élève.

Détail de la signature d’Espercieux et de la date d’origine de l’œuvre © CCH A. Klopfenstein/armée de Terre/Défense

Sources et bibliographie

Archives :

  • SHD, dossier de Jean-Baptiste comte Jourdan, maréchal de France, 6 Yd 4.
  • SHD, dossier de François-Xavier Roussel, général de division, 7 Yd 446.
  • Archives nationales, base Léonore, dossier du maréchal Jourdan, LH/1381/74.
  • Archives nationales, F/21/496/A, dossier 1, pièce 1, statue du général Roussel par Espercieux.
  • Archives des musées nationaux, musée du Louvre, département des sculptures (série S), 20144793/13, commandes et acquisitions acceptées, 1836-1848, Commande à Espercieux de la modification à apporter à la tête de la statue en marbre du général Roussel remplacée par celle du général Jourdan. 30 mars 1836-9 juillet 1836. [2p.] 1836, 30 mars.

 

Bibliographie :

  • BANC, Jean-Claude, Dictionnaire des maréchaux de Napoléon, Paris, Pygmalion, 2013.
  • Vivant Denon, directeur des musées sous le Consulat et l’Empire : correspondance, 1802-1815, éd. établie par Marie-Anne Dupuy, Isabelle Le Masne de Chermont et Elaine Williamson, Paris, RMN, 1999 (2 vols.).
  • HULOT, Frédéric, Le Maréchal Jourdan, Paris, Pygmalion, 2010.
  • LALOUETTE, Jacqueline, Un peuple de statues. La célébration sculptée des grands hommes (France 1801-2018), Paris, Mare & Martin, 2018.
  • LAMI, Stanislas, Dictionnaire des sculpteurs de l’école française au XIXe siècle, Paris, Librairie Ancienne Honoré Champion, 1914, tome II.
  • MULLIÉ, Charles, Biographie des célébrités militaires des armées de terre et de mer de 1789 à 1850, Paris, Poignavant, 1852, tome II, p. 96-99.
  • NAPOLÉON Ier, Correspondance publiée par ordre de l’Empereur Napoléon III, tome XX (1809-1810), Paris, 1858-1870.
  • ROBINET DE CLÉRY, Adrien, « Les statues décapitées du pont de la Concorde », extrait de la Grande Revue de Paris et de Saint-Pétersbourg, Paris, Imprimerie d’E. Arrault, s. d.

 

Références Internet :

Auteur de la notice

A. Nicolas

Fiche sur la sculpture du Maréchal Jourdan

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