5 questions à Augustin Frison-Roche

Direction : Vulnerati / Publié le : 05 janvier 2024

Augustin Frison-Roche, artiste peintre et sculpteur français, a répondu à nos questions sur son engagement dans le cadre de Vulnerati 2023.

Œuvre d'Augustin Frison-Roche pour Vulnerati 2023

Expliquez-nous votre parcours et comment vous est venue l'envie de peindre.

Mon parcours est assez simple, j’ai pris des cours de dessin assez tôt, à 16 ans, avant de faire des études de lettres, de songer un temps à la carrière militaire pour revenir finalement à ma première intuition. À 21 ans j’ai commencé ma formation en peinture dans l’atelier d’un artiste peintre, cherchant un apprentissage technique exigeant, un cadre intellectuel et une approche complète de tous les aspects de ce métier. Quant à l’envie de peindre ou de dessiner, elle n’est pas venue à un moment précis, elle a toujours été là. Aussi loin que mes souvenirs remontent il y a l’attention aux choses, aux détails, l’envie de les mémoriser, de les fixer sur une feuille, ou encore le besoin de compléter le réel, de l’augmenter par un travail d’imagination. Néanmoins, ce qui a changé progressivement au cours de ces années c’est que peindre est devenu une impérieuse nécessité, capable de guider et d’accomplir toute une vie.

Quel est votre processus créatif ? Quelles sont vos sources d'inspiration ?

Mes sources d’inspiration sont nombreuses. De Lascaux à Klimt en passant par la statuaire grecque antique, Sumer et Babylone, les fresques romaines, le Moyen-Âge occidental, les primitifs flamands, Bosch et Bruegel, Fra Angelico et les fresques italiennes, Botticelli, les symbolistes tels Redon ou Moreau. Mes tableaux font souvent appel à notre imaginaire collectif, aux origines, à la nature, aux images sacrées du christianisme, aux contes et aux mythes, à ce qu’il nous reste des mondes que nous avons construits pendant l’enfance et à ceux que nous avons découvert dans la littérature et dans l’histoire.

L'une de vos œuvres va être mise aux enchères lors du dîner caritatif Vulnerati. Pourquoi participez-vous à cette action de solidarité envers les blessés de l'armée de Terre et les familles endeuillées ?

En 2019 j’étais du côté des familles endeuillées. Un de mes frères, le capitaine Clément Frison-Roche venait de mourir au Mali aux commandes de son hélicoptère. J’ai découvert alors une réalité que je croyais connaître -venant d’une famille de militaires et ayant moi-même songé un temps à cette carrière - la réalité d’un métier à part qui implique la possibilité d’un don total : celui de sa propre vie. J’ai vu aussi cette autre réalité du monde militaire que je connaissais bien : une solidarité qui n’est pas un vain mot, à l’œuvre, loin des slogans et des discours. Aujourd’hui je suis très fier d’être du côté de ceux qui aident. Comment mieux témoigner ma reconnaissance pour tous les soldats de métier qui font consciemment ce choix lourd de risques et pour leurs familles qui en assument parfois les conséquences tragiques ? Je pense qu’il est très important que cette solidarité ne s’exprime pas seulement à travers des institutions mais aussi d’une manière plus directe, par un don personnel qui veut simplement dire : je suis conscient du lien qui existe entre mon quotidien en paix et le sacrifice des soldats français.

Qu'avez-vous voulu représenter dans cette œuvre ? Quelle est sa signification ?

La guerre moderne n’a pas inventé la blessure et la mort qui accompagnent le guerrier depuis toujours, dans la défaite comme dans la victoire. J’ai d’abord voulu représenter, en l’inscrivant dans le temps long, cette réalité immuable du soldat qui le définit et le conditionne dans ses choix, ses valeurs, sa vision du monde. Ainsi se mêlent l’évocation du soldat moderne et la figure historique du chevalier, tandis qu’au premier plan, l’homme blessé, dont la nudité dit la vulnérabilité, pourrait être un Gaulois terrassé par des flèches romaines, ou un soldat français d’aujourd’hui se relevant sur son lit d’hôpital, ou encore un vétéran hanté par des souvenirs de guerre, tourmenté par les images violentes qui ne le quittent plus. Mais le centre du tableau est ailleurs, il est dans cette fenêtre d’or, dans cet oiseau qui regarde la menace s’éloigner, dans ce coin de ciel bleu, dans le rouge du coquelicot plus intense que les celui du sang. Car le vrai sujet de ce tableau n’est pas la blessure mais l’espoir et la guérison.

Comment l'avez-vous réalisée ?

Sur le plan technique, j’ai réalisé ce tableau à l’huile sur un panneau de bois avec une dorure à la feuille. Le travail de peinture s’est étalé sur un peu plus d’un mois. La principale difficulté résidait dans le sujet lui-même : représenter ou évoquer la guerre moderne, parler de la blessure sans dolorisme ni idéalisation. Je n’avais jamais abordé cette thématique autrement que par des dessins d’adolescent. J’espère simplement avoir été à la hauteur de l’enjeu.

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À l’occasion du cocktail de lancement de l’événement Vulnerati 2023 qui s’est tenu le 16 janvier dernier à l’École militaire, l’œuvre du peintre et sculpteur Augustin Frison-Roche a été révélée.


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