L’Arctique : quels enjeux pour le combat aéroterrestre ?

Direction : CCF / Publié le : 24 mai 2023

Dans un contexte de retour de l’affrontement interétatique sur le sol européen, il apparaît de plus en plus nécessaire de s’intéresser aux diverses possibilités d’engagement pour l’armée de Terre. Alors que le consensus qui entourait l’Arctique semble remis en cause, et à l’aune de la réaffirmation de la puissance russe à la fois dans la région et sur la scène internationale, cette zone pourrait devenir un théâtre d’opérations à horizon 2040.

Conseil de l’Arctique © Jouni Porsanger/ministère finlandais des Affaires étrangères

Un engagement sur ce théâtre dans le cadre d’une alliance poserait d’importants défis à l’armée de Terre, notamment en raison des conditions climatiques extrêmes et de la préparation opérationnelle spécifique que celles-ci imposent. Tenant compte de ces facteurs, développer les capacités d’action en milieu arctique de l’armée de Terre et sa coopération interalliée dans le domaine serait avant tout un moyen de décourager un éventuel adversaire.

 

 

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L’Arctique : quels enjeux pour le combat aéroterrestre ?

Introduction.

« Qui contrôle l’Arctique contrôle le monde ». Amiral Valeriï Aleksin, 1995.

Situé à l’extrême Nord du globe, l’Arctique est un territoire aux définitions multiples et qui comporte de nombreuses particularités. Par souci de clarté, la présente note se concentrera sur l’Arctique au sens de sa définition géographique. La région polaire arctique désigne ainsi la zone au nord du 66e parallèle nord, qui représente 8 % de la surface du globe. Elle comprend une partie de banquise océanique sous statut d’eaux internationales, bordée par une partie côtière du territoire de sept des huit États arctiques (le Canada, le Danemark - avec le Groenland -, la Finlande, l’Islande, la Norvège, la Russie, la Suède et les États-Unis - avec l’Alaska), à l’exception de la Suède.

Pendant la Guerre froide, l’intérêt stratégique accru pour la région qui constituait le seul point de contact direct entre les États-Unis et l’URSS, s’est étiolé après l’effondrement de l’Union soviétique. Le 1er octobre 1987, Mikhaïl Gorbatchev appelle à constituer une zone de paix et de coopération, pour que plus jamais les zones polaires ne deviennent une arène de guerre, marquant ainsi le début de la coopération dans la région. Cependant, la question polaire a pris une ampleur considérable au cours des deux dernières décennies, aussi bien dans le domaine civil que militaire. La montée en puissance des discours scientifiques d’alerte sur le réchauffement climatique a joué pour beaucoup. Les enjeux géopolitiques se sont également multipliés en conséquence des changements qui touchent la zone. Des acteurs internationaux non-arctiques comme la Chine ou certains pays de l’Union européenne se sont ainsi progressivement tournés vers l’Arctique et s’intéressent à ses multiples ressources. Certains États - arctiques et non-arctiques - ont d’ailleurs rédigé en ce sens diverses doctrines d’emploi des forces armées, comme le document Regaining Arctic Dominance élaboré par le Department of the Army américain, ou encore The UK’s Defence Contribution in the High North pour l’armée britannique. La Revue stratégique d’octobre 2017 estime quant à elle que l’Arctique pourrait « constituer un jour, un espace de confrontation », en raison de la compétition interétatique pour l’exploitation de ses ressources.

Sans surprise, le domaine de la marine a été le premier concerné : l’Arctique étant majoritairement composé d’un océan, les sujets les plus évidents ont tout d’abord été les ressources énergétiques se trouvant au large des côtes, et l’ouverture du passage du Nord-Ouest. Toutefois, comme l’a rappelé le récent conflit ukrainien, la maîtrise d’un territoire, si elle bénéficie très largement de celles des mers et des airs, ne peut se concevoir sans le contrôle terrestre. L’existence même d’unités spécialisées dans l’engagement en milieu grand froid au sein de l’armée de Terre française, déclinée de la capacité d’engagement en haute montagne comme la participation de cette dernière à des exercices interalliés tels que Cold Response pour entretenir ses compétences montrent qu’elle possède des capacités indéniables pour affronter les conditions arctiques.

Par ailleurs, le conflit ukrainien rappelle également qu’un débordement des conflictualités dans l’Arctique est une possibilité réelle, et interroge la manière dont l’armée de Terre pourrait être utilisée dans ce cadre.

L’objet de la présente note est dans un premier temps de développer de façon non-exhaustive les enjeux futurs de la zone arctique pour l’armée de Terre, en en rappelant les problématiques principales et en s’intéressant en particulier aux facteurs qui pourraient conduire à un engagement militaire. Dans un second temps, il s’agira d’aborder les principaux défis auxquels l’armée de Terre devra faire face en cas d’engagement dans l’Arctique : contraintes climatiques, enjeux de préparation opérationnelle et, enfin, la manière dont ces outils peuvent lui permettre d’épauler la dissuasion ou de contester un adversaire dans cette zone.

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